"Le Lion de San'Marco", Vittore Carpaccio (1516), Palazzo Ducale - Venise.
 
 
Si pour l'Europe septentrionale, on ne trouve guère de noblesse remontant avant le XII° siècle, il n'en va pas de même en Italie ou la plupart des maisons princières se piquent de remonter à quelques illustres personnages de la Rome antique.
 
Sans doute, certaines de ces filiations originelles ne reposent-elles que sur des traditions dont le simple mérite est l’antiquité. Ainsi, un prince Massimo à qui Napoléon demandait un jour s'il descendait vraiment de Fabius Maximus, lui répondit : "je ne saurais le prouver, mais c'est un bruit qui court depuis plus de mille ans dans notre famille..." . D'autres, en revanche, s'appuient sur d'anciennes chroniques. C'est le cas des Colonna ou des Orsini. Ou encore, des Mateï qui descendent de Mucius Scevola. Les Santa-Crocce, pour leur part, viennent de Valéruis Publicola et les Cenci de Crescentuis Centius. Quant aux Vitali , Adon, Bède, Usuard et le Romain, présentent cette antique famille comme romaine, appartenant à l'Ordre Équestre et existante dès l'an 37, du vivant de Saint Pierre, sous le règne de l'empereur Néron. Rappelons, en outre, que déjà à cette époque, les familles patriciennes romaines, se targuaient de descendre de la déesse Vénus . On trouve, aussi, mention des Vitali , sous la plume du chroniqueur Baronius, qui relate le supplice de l'un d'eux survenu en l'an 171 de notre ère. Il s’agissait, selon lui, d’un personnage consulaire qui, après avoir servi avec distinction dans les armées romaines, avait été chargé d'assister un juge nommé Paulin. Pour avoir pris la défense d'un chrétien condamné à mort et pour l'avoir réconforté alors que ce dernier s'apprêtait à apostasier, il fût battu, écorché vif, eut les membres disloqués et n'ayant pas, malgré ses souffrances, abjuré le Christ, il fut mis à mort. Sa postérité, donnera plusieurs branches, dont la «branche vénitienne» qui débute à la fin du X° siècle avec Ugo Vitali (ou Vidali) et finie avec Giorgio Vitali en 1797, lors de la chute de Venise.
 
Durant plus de huit siècles, le sort de cette famille sera associé à celui de Venise. Dans l'ère de conquêtes qui s'ouvrent alors, l'on distingue parfois un Vitali. Tel Filippo qui débarque, le 17 juillet 1203, bannière de Saint Marc en main, aux côtés du vieux Doge aveugle Henri Dandolo, pour prendre Constantinople. Et le chroniqueur Geoffroy de Villehardouin contera combien fût rude la mêlée et grande la fougue des vénitiens au cœur de la bataille. On remarquera, encore, un Vitali, lors de  la bataille navale de  Lépante,
le  7 octobre 1571. Cet affrontement titanesque qui opposera 250 navires (dont plus de la moitié sont vénitiens) avec à leurs bords 80.000 hommes, contre 300 navires turcs et 90.000 hommes embarqués. Par cette victoire écrasante, les Vénitiens qui se sont battus avec un héroïsme que tous salueront (ils ont payé le prix fort : 4700 morts contre 2800 pour leurs alliés) obtiennent un triomphe qui éblouit la chrétienté. En 1572, le Gouvernement de la Sérénissime République de Venise, accorda à Lorenzo Vitali (ou Vidali) qui s'était distingué dans la guerre contre les Turcs - des fiefs dans l'île, alors vénitienne, de Zante. Inscrite au Livre d'Or de la noblesse de Zante en 1574, cette famille servie longtemps dans la Stradea vénitienne des îles du Levant. Elle conservera des possessions, dans cette île jusqu’au XVIII° siècle. Les Vitali sont, également, aux côtés de Francesco Morosini, en juillet 1687, lors de la conquête de Patras et Corinthe. Ces prises valent à Morosini la magistrature suprême (il est élu Doge l’année suivante) et aux Vitali de vastes domaines à Patras qu’ils conserveront jusqu’au XIX° siècle. Mais, la flamboyante et millénaire épopée vénitienne touche à sa fin...
 
L'entrée dans Venise, le 15 mai 1797, des troupes révolutionnaires françaises, inaugure une ère d'occupation dont l'antique cité ne se relèvera pas. Les huit années d’occupation française compteront parmi les plus sombres de son histoire. Venise sera mise à sac. Économi-quement ruinée, artistiquement saccagée et le peuple acculé à la famine la plus noire. C'est une hécatombe : des quartiers entiers rasés. 72 églises détruites. Une centaine de palais démolis, les pierres et les briques étant vendues comme matériaux de construction, leurs contenus vendus aux enchères. Rien n'échappe

au vandalisme, jusqu'aux archives vendues comme papier à rouir ou à empaqueter. Plus de 25.000 tableaux sont éparpillés aux quatre vents, pour la plupart des chefs-d’œuvre : Carpaccio, Tiepolo, Bellini, Titien, Guardi, Le Tintoret, Ricci, Pordenone, Palma, etc... Sans parler des milliers de sculptures en partie détruites. De l’or et de l’argenterie, pour l’essentiel fondu en lingots et emmenés. Ce qui ne peut prendre la route de Paris est détruit. L’Arsenal - l’un des plus beaux de la méditerranée, de l’aveu même des français - est anéanti. Le «Bucentaure», le somptueux navire de parade doré des Doges, n’est même pas épargné. Plus d’un tiers de la population est réduit à la mendicité. Des prêtres et des personnes qui passaient pour riches peu de temps auparavant, tendent aujourd’hui la main sur les quais... On dénombre alors dans cette cité, jusqu’alors opulente, le chiffre effrayant de 44.167 miséreux !. L’essentiel de la noblesse vénitienne s’exile...
 
"Le départ du Bucentaure vers le Lido de Venise,
le jour de l'Ascension", (1770)
par Francesco Guardi (1712 - 1793),
Musée du Louvre - Paris.
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